Hôtels de Lamolère et Raby : un écrin pour le patrimoine aquitain
Les hôtels de Lamolère et Raby
Le grand salon du bel étage de l'hôtel Raby présente, quant à lui, un décor exécuté dans la deuxième moitié du XIXe siècle. L’inspiration est néo-Louis XV pour les cheminées, les lambris et les dessus de porte. Les dessus de cheminée montrent un certain éclectisme. La présence dans ce grand salon de deux cheminées laisse penser qu’il existait peut-être deux salons différents qui ont été réunis par la suppression d’une cloison et la pose d’une corniche courant autour de la nouvelle grande pièce.
Dans un autre salon décoré de toiles marouflées, une cheminée monumentale d'inspiration néo-Renaissance est ornée d’une proue de navire. Un cartouche contient le monogramme MS. Ces initiales figurent également sur la grille en fer forgé qui fermait autrefois l'entrée au rez-de-chaussée.
Il apparaît que ce monogramme correspond vraisemblablement aux initiales du propriétaire de l’hôtel dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le recensement de population de Bordeaux en 1876 indique, en effet, que Mathieu Seurin, négociant, réside au 4 de la place Richelieu avec son épouse et quatre domestiques. Il est le probable commanditaire du réaménagement intérieur.
La dénomination "hôtel" fait référence, pour l’architecture classique, à la demeure citadine d’un grand seigneur ou d’un riche particulier. Pour un hôtel "à la française", le logis principal est habituellement entre cour et jardin. Tel n’est pas le cas pour les immeubles Lamolère et Raby. L’hôtel Saige occupant toute l’extrémité ouest de l’îlot Louis, correspondrait davantage à cette définition. Toutefois, les familles fortunées qui ont fait édifier un immeuble sur un site prestigieux de la ville, proche du Grand-Théâtre, qui ont payé cher la parcelle du lotissement, qui, de plus, ont fait appel à un architecte de renom ont sans doute quelque légitimité à qualifier d’hôtel particulier leur luxueuse habitation.
Les immeubles Lamolère et Raby font partie des cinq habitations construites selon le principe de façade à programme, préconisée pour homogénéiser les élévations donnant sur les quais. L’hôtel de Lamolère comporte sept travées sur la rue Esprit-des-Lois, une dans l'angle arrondi, et, de même que l'hôtel Raby, trois travées sur la place Jean-Jaurès. Leur élévation comporte six niveaux au-dessus des caves : rez-de-chaussée, entresol, 1er étage ou bel étage avec portes-fenêtres ouvrant sur le balcon, 2e étage à fenêtres rectangulaires, petits garde-corps en fer forgé, 3e étage éclairé par des baies carrées et étage de comble. Une balustrade d’attique règne au-dessus de la corniche à modillons, uniquement sur la partie Raby.
Un acte de vente daté de 1823 donne une description de l’organisation intérieure de l’immeuble. Le décor de l’hôtel de Lamolère a très probablement été dessiné par Victor Louis. Comme dans sa manière de bâtir, le décor présente une pureté des lignes et une économie en rupture avec les goûts en vogue sous Louis XIV et Louis XV. Les motifs décoratifs consistent en médaillons à l’antique, sobres guirlandes végétales, rameaux de feuilles de laurier.

Le parement du rez-de-chaussée et de l’entresol est décoré par un bossage, le reste de l’élévation est lisse. Le premier niveau présente une alternance de travées rythmiques composées d’embrasures en plein cintre et de baies rectangulaires. Cette scansion marque la différence avec les arcatures des façades des immeubles voisins, place de la Bourse, construits par les architectes Gabriel au début du XVIIIe siècle. Rythme régulier repris quelques temps après par l’architecte Portier pour la place en hémicycle à l’extrémité des allées de Tourny, par exemple. Ici, pas de colonnes engagées ou de pilastres, pas de balcon ondé, pas de mascarons, mais une ferronnerie simple et sobre pour la façade de l’îlot Louis tournée vers le fleuve. Les fenêtres ne présentent pas non plus d’arc segmentaire, les consoles imposantes soutenant le balcon sont également de facture sobre. L’ensemble de ces éléments démontre une volonté de "modernité" par rapport au vocabulaire architectural du début du XVIIIe siècle.